Relaxe
Cela fait dix ans que Manon est inculpée dans « l’affaire Tarnac », accusée avec huit autres personnes d’avoir participé à une entreprise terroriste pour des sabotages sur des lignes TGV. À l’approche du procès, je prends ma caméra et rejoins le groupe de femmes qui aide Manon à préparer sa défense.
On aura retenu : « anarcho-autonomes d’ultra gauche » ou « terroristes » et « le groupe de Tarnac » aussi. Ces termes s’accrochent depuis longtemps aux neuf inculp·é·es de ce qu’on appelle « l’affaire Tarnac ». Pour s’en défaire ? Dix ans de procédures. Dix années remplies par des torrents de documents que les inculpé·e·s ont dû apprendre à connaître sur le bout des doigts afin d’affronter la machine judiciaire lancée contre eux. On est à quelques mois d’un ultime procès qui pourrait les désensevelir de sous les instructions, leurs cotes et les quarante mille pages d’une affaire interminable. Audrey Ginestet accompagne de sa caméra la préparation de fer que demande ce procès et travaille dans le sens de la démarche collective qui semble à l’œuvre ici : tuer la fiction, une bonne fois pour toutes. Le film est rythmé par des séquences de préparation rigoureuse en groupe afin de se défendre face à la justice professionnelle et tenace qui les attend une fois de plus. Le film trouve un dispositif d’écoute précis et juste pour empêcher une fois de plus de se laisser catégoriser, nommer ou décrypter par une justice et une médiatisation intrusive qui a trop fantasmé les potentialités. Faire face au professionnalisme et dresser une défense béton pour ne pas se laisser écraser mais accepter aussi son amateurisme. Une position que les protagonistes semblent bien connaître, eux qui s’engagent sans cesse vers de nouveaux savoirs et apprentissages. Car la préparation documente mais laisse aussi la place à la rencontre, et la cinéaste donne du temps au quotidien. Elle les regarde vivre politiquement ce quotidien en accord avec ce qu’ils défendent, engagés auprès de choses simples, loin de la dureté des accusations et termes dans lesquels on les a enfermés. Entre les ateliers de défense et la vie à Tarnac, l’entraide fait son chemin. On se tient, se porte, et le film se glisse comme un outil de plus afin de détourner les regards pour arracher la relaxe.
Clémence Arrivé
Deuxième Ligne
Audrey Ginestet, Amic Bedel
Audrey Ginestet, Rémi Gerard, Hélène Magne
Benjamin Glibert
Penda Houzangbe
mariedubas@deuxiemeligne.fr