Aller au contenu

THE FUCKEE’S HYMN

Travis Wilkerson
2023 États-Unis, Croatie 62 min Langue : anglais

Une réponse à une œuvre antérieure (en forme de note de bas de page radicalement digressive), en même temps que le premier volet d’un nouveau questionnement : quelle relation les histoires que nous racontons entretiennent-elles avec la violence, le pouvoir et la mémoire ?


Comme Distinguished Flying Cross (2011), The Fuckee’s Hymn évoque la figure de William Wilkerson, vétéran de la guerre au Vietnam, alors jeune pilote d’hélicoptère dont les décorations camouflèrent une bévue de l’armée américaine. Et comme pour Distinguished Flying Cross, auquel ce nouveau film, peut-être le plus impitoyablement noir et personnel de son auteur, renvoie jusque dans sa structure scindée entre un intérieur domestique et un extérieur dévoré par les spectres du passé, le titre provient de l’une des chansons gaillardes que ce père aimait entonner. Mais William Wilkerson n’est plus là pour la chanter, et c’est son fils qui la récite maintenant de son inimitable voix basse, profonde et mordante : « He stood on a steeple / And he pissed on the people / And the people couldn’t piss on him / Him. Fuck him. » The Fuckee’s Hymn s’en prend à la mythification du vétéran, aux décorations qui retournent la barbarie en héroïsme, au pouvoir létal des histoires qui travestissent la vérité des guerres et les transforment en un fardeau inexpiable. Pour Travis Wilkerson, les histoires peuvent tuer, et c’est bien d’avoir été transformé en héros que son père est mort. Le séjour chaleureux dans lequel deux fils attentifs se réunissaient de part et d’autre d’un père leur contant exploits et défaites a laissé place à une obscurité inhabitable. Il ne reste plus à cette parole qu’à aller errer dans les bois visités par les images d’une guerre ramenée chez soi, désarmer ces histoires avec le cœur et la colère.

Antoine Thirion

Travis Wilkerson

Travis Wilkerson est l’auteur d’une œuvre cinématographique reconnue internationalement, qui transcende les frontières entre le documentaire et la fiction, la performance et l’activisme. En 2015, Sight & Sound a qualifié Wilkerson de “conscience politique du cinéma américain”. Ses films ont été projetés dans des centaines de salles et de festivals dans le monde entier, notamment à Sundance, Toronto, Locarno, Rotterdam, Vienne, Yamagata, au FIDMarseille et au Musée du Louvre. Son travail avec Erin Wilkerson au sein de Creative Agitation a été présenté à la Biennale de Venise. Ses écrits sur le cinéma sont parus dans Cineaste, Kino ! et Senses of Cinema. Il a enseigné le cinéma à l’université du Colorado, à CalArts, au Pomona College, au Vassar College et au LaSalle College of the Arts de Singapour. Il est professeur associé de pratique documentaire à l’université Duke Kunshan.

Production :
Creative Agitation (Erin Wilkerson, Travis Wilkerson)
Image :
Travis Wilkerson
Son :
Travis Wilkerson
Montage :
Travis Wilkerson
Musique :
Hellish Cashtrap

Dans la même section