Une partie de nous s’est endormie
« Je cherche mon identité. Vous l’avez-vue ? »… Djilali, ancien détenu de longue durée, marche dans des ruelles à l’obscurité protectrice. Parfois l’architecture avignonnaise semble figurer son intériorité, son passé sombre et voyageur, comme rabougri en lui. Derrière lui, Marie Moreau est bien plus qu’une documentariste : à l’évidence, la richesse d’échanges prolongés a nourri cette déambulation. À tel point que Djilali dit à un moment avoir rêvé d’elle « qui coulait, aspirée par les profondeurs» – submergée, peut-être, par son écoute si intense qu’elle ne saurait laisser indemne la cinéaste, qui filme et prend le son seule. Dans ce film parlé-marché, le récit de rêve, le travelling d’accompagnement et l’autobiographie peut-être fictionnée fusionnent en un projet partagé : «T’as combien de moments? Combien il te faut de moments pour faire un film?» s’enquiert Djilali. Le montage épouse par sa forme une coulée onirique indissociable des états provoqués autrefois par la drogue et aujourd’hui par une ahuris-sante « camisole psychique ». « Malgré l’habitat, je me considère comme SDF », confie le marcheur. Noureddine, Kamel, Mustapha et même Isaac – les alias multiples de Djilali – mais aussi ses citations de Dante et des mémoires de Jacques Mesrine sont autant d’identifications qui lui servent à bâtir son propre mythe. À s’ériger dans le regard de Marie Moreau une maison de cinéma aux fondations plus solides qu’une HLM, pour enfin, peut-être, pouvoir habiter au grand jour le monde extérieur. (Charlotte Garson)
Françoise Tourmen
Marie Moreau
Marie Moreau
The Kingdom