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VENICE BEACH, CA.

Marion Naccache
2021 France 79 min
© marion naccache
© marion naccache
© marion naccache

Venice Beach, en Californie, à l’aube. Tous les matins, les sans domiciles fixes qui habitent le bord de mer de Venice se réveillent et doivent immédiatement ranger leurs affaires et quitter l’endroit où ils ont passé la nuit. Tous les matins, alors que le soleil se lève lentement, comme dans une pièce de théâtre sisyphienne, rien ne change. Tous les matins, petit à petit, le quartier balnéaire qui leur tient lieu de maison mais aussi le pays changent de façon étrange et effrayante.

Des propos qu’elle a recueillis auprès de personnes vivant à la belle étoile à Venice, Los Angeles, Marion Naccache ne retient pas tant les données factuelles – parcours de vie, conditions d’existence – que la façon dont chacun perçoit l’univers qui l’entoure. Les dimensions de celui-ci varient selon les individus. Il s’agit d’abord d’un environnement immédiat, ce paysage de carte postale avec son vaste ciel, son océan et ses palmiers. On livre des mythes et récits entourant la naissance de l’ancien « ghetto de bord de mer » fondé par Abbot Kinney au début du vingtième siècle sur le modèle d’une certaine ville italienne, désormais squatté par les employés de Snapchat. Certains évoquent l’élection de Donald Trump, les luttes amérindiennes et la fonte des glaciers d’Alaska, avant que l’échelle ne s’élargisse plus encore, jusqu’à repousser les limites de la perception humaine. La question du sens se pose ici plus qu’ailleurs. Chacun fabrique sa propre religion : il est question de téléportation, de rêves lucides permettant d’apprendre à voler et de Satan. Et parce que les voix sont disjointes des corps qui les portent, elles finissent par s’apparenter à l’esprit d’un lieu que Marion Naccache saisit dans des plans larges, fixes et répétés. Pendant un même témoignage, la nuit succède inopinément au jour, comme si nous nous mettions nous aussi à faire partie du paysage et à aborder une autre perception du temps. Pourtant, la course du monde se poursuit sans égard pour ce qui s’imagine ici. Tous les matins, entre 5h et 9h, un même ballet se répète : chacun reprend sa place pour la journée, afin que rien ne change.

Olivia Cooper-Hadjian

Marion Naccache

Marion Naccache vit et travaille entre Paris et Rio de Janeiro. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, elle y a étudié la poésie contemporaine. En 2008, elle commence à réaliser des essais vidéos qui sont montrés dans plusieurs institutions d’art contemporain (Miami Basel, Southard Reid Gallery, London; Laboratoires d’Aubervilliers, Gulbenkian Foundation, Paris) et de poésie (Chelsea Hôtel, Festival PAN!, Nioques, OEI, Labia Gentil). CONEY ISLAND (last summer), 2010, son premier long métrage documentaire, est présenté dans des festivals internationaux de cinéma (Miami, Entrevues Belfort, Rio de Janeiro). Il observe le dernier été annoncé du parc d’attraction new-yorkais et débute une série de films sur les plages urbaines qui déploient une forme d’observation contemplative fondée sur le temps, la distance et la répétition permettant de regarder le monde à un rythme différent. VENICE BEACH, CA., son second long métrage, poursuit ce dispositif et le pousse plus loin. 

Production :
Marion Naccache, Ailton Franco Jr., Franco Filmes & Produções, Jérome Czapka, Pikel, Franck Leibovici
Image :
Marion Naccache
Son :
Marion Naccache, Matthew Anderson
Montage :
Marion Naccache, Isabela Monteiro de Castro

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