Winter Buoy
Dès les premières séquences de cette chronique des relations entre un duo d’infirmières et leurs patientes enceintes et toxicomanes, nous sommes plongés in medias res : impossible de remonter à l’origine de ce cycle de grossesses et de placements d’enfants, de domiciles accordés puis perdus, de couples défaits par la violence domestique puis réunis, de désintoxications et de rechutes. Il faut parer au plus pressé, reloger Lynn au cœur de l’hiver canadien ou la récupérer dans un foyer où elle échoue après une nouvelle prise de crack. Doris, bientôt à la retraite, et Talia, qui se dit sa disciple, incarnent à chaque bout de la vie professionnelle l’ampleur d’une tâche répétitive et sans garantie de réussite. Leur empathie à la limite du sacerdoce (Doris renonce à raccrocher son téléphone alors que retentit l’alarme incendie) en fait des Sisyphe de l’accompagnement sociomédical. Mais elles n’affichent aucun rictus pénible en poussant leur rocher, sans doute parce qu’il a forme humaine, donc qu’il demeure malléable. Dans un Toronto glacial, leur chaleur nous amène à ajuster notre écoute à la leur. Jusqu’où irait notre propre patience ? La caméra souvent fixe et les prises ininterrompues restituent l’articulation entre aide sociale et thérapie : il s’agit d’alterner les accélérations de situations d’urgence et l’étirement presque luxueux d’activités partagées. Les incursions discrètes dans les vies des infirmières les extraient de leur seul rôle institutionnel en suggérant qu’une relation de care n’est jamais à sens unique. (Charlotte Garson)
Erika Gonzales; Erik Andersson
Thomas Jaeger
Catherine Lutes
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Les Films du Balibari