Yapo
Yapo (« Honorable moine ») retourne à son monastère du Sikkim après avoir été opéré de la jambe, accompagné de ses assistants, deux adolescents aussi dociles que facétieux. Yapo fait-il un concours de grise mine avec Buster Keaton ? Il se pourrait qu’il gagne : question de rang à tenir, question de souffrance aussi – la douleur et les béquilles n’aident pas à la décrispation. De plus, le voyage est long et fatigant. A l’arrivée, et si le Bouddha est une montagne de sérénité, son disciple est un homme pressé. Cet homme très occupé habite trois lieux à la fois : l’école qu’il dirige, le monastère et sa maison où vit sa mère. Entre les prières, les cours, les cuisines et les audiences, Yapo, malgré sa patte folle, ne cesse de courir, dans un dédale étroit de couloirs, de tentures, d’escaliers, de terrasses et de chemins pentus. Au demeurant, tout bascule quand il retrouve sa mère, sur la terrasse de sa maison. La Mère écoute son fils lui raconter son opération et s’inquiète de la dépense. Le lama disparaît, il n’y a plus qu’un petit garçon sage. Au monastère, c’est plus fort que lui, il faut qu’il surveille, car un homme de sa stature doit veiller à tout. Mais qu’adviendrait-il du monastère sans l’armée de cuisinières, de servantes et de marmitons, sans le petit peuple qui balaye, fait la vaisselle, prépare les objets rituels et conduit la jeep ?… Le regard amusé que posent les deux adolescents sur les manies de Yapo en fait les « valets Matti » d’un « maître Puntila » qui travaillerait à la mise en ordre du monde. Si en sa présence ils se tiennent droit, les mains dans le dos, attendant les ordres, sitôt qu’il a le dos tourné, ou dès qu’ils retrouvent leurs camarades dans le dortoir, ils ne pensent qu’à rire, à jouer, à blaguer et à courtiser les filles dans les communs. Au bout de préparatifs minutieux, la danse masquée, le chaam, s’est déroulée comme il faut. Yapo n’a pas failli. Mais entre la gravité des méditations et les fous-rires du petit personnel, la solennité des prières et le tohu-bohu des arrière-cours, la caméra a fait son choix. (Yann Lardeau/Marie-Pierre Duhamel-Muller)
Sangsho
Jayne Chu; Jowan Le Besco
Jowan Le Besco
Jowan Le Besco