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{2022}L'Afrique Documentaire

Cette nouvelle vague n’est cependant pas née ex nihilo et nous avons été guidés pour élaborer notre programme par le geste radical voire même révolutionnaire de quelques « anciens », figures tutélaires qui ont tracé une voie politique et cinématographique à la fois inventive et activiste pour le cinéma africain. Ces films qui ont donné naissance à d’autres films[1] constituent ainsi le prologue à la programmation contemporaine qui rassemblent 24 films réalisés ces quatre dernières années par la plus jeune génération. Une génération de cinéastes qui sur les traces de Idrissa Ouedraogo et Samba Felix NDiaye assument pleinement la subjectivité de leur regard et le documentaire comme un cinéma où parler de soi. Et qui reprend à son compte le slogan féministe «  ce qui est personnel est politique ».

En nous confrontant à d’autres systèmes de représentation, à d’autres imaginaires – ceux des cinéastes mais aussi des personnes filmées – nous mesurons combien le cinéma est un art de connivence entre le cinéaste et le spectateur. Une connivence qui nous permet de faire l’expérience d’autres réels que le nôtre, de nous y reconnaitre, d’y participer – ou pas. Tout est question de connivence de regards.  En invitant 6 personnalités africaines à participer à cette programmation, c’est aussi leurs regards que nous nous proposons de partager. Une façon aussi de croiser les points de vues sur ce cinéma documentaire africain qu’il faut aussi appréhender dans sa diversité.  Diversité des propositions esthétiques et des singularités de chaque cinéaste d’une part ;  d’autre part, diversités des particularismes selon les aires géographiques et des influences stylistiques, politico-linguistiques, culturelles et financières qui s’y exercent en fonction notamment de l’histoire coloniale des pays.  C’est dans le contexte de cette pluralité que certains s’engagent dans une collaboration panafricaine pour le développement, la production et la circulation des œuvres sur le continent. Cette mutualisation des savoir-faire, des moyens humains, financiers et techniques dynamise le cinéma documentaire en Afrique et participe d’un renouveau que nous interrogerons concrètement dans le cadre de 5 études de cas.

Une master class de Joël Akafou dont le long métrage Traverser, Grand Prix du festival Entrevues-Belfort en 2020, est sorti en salle ce mois de janvier, une rencontre entre documentaristes français et documentaristes d’Afrique initiée par ADDOC, une table ronde à la BULAC entre cinéastes et chercheurs,  « Vivre ici, travailler là-bas », complètent le programme.  Celui-ci aura aussi un prolongement dans le cadre des WIP de ParisDOC, où les structures Docu Box, Ouaga Film Lab, La Ruche documentaire du FIDADOC et Durban FilmMart ont été invités à proposer des films en cours de montage.

La question des imaginaires, de la différence des regards, la problématique de la représentation mais aussi la construction de manières de faire singulières et d’une écologie spécifique aux productions cinématographiques africaines seront, nous l’espérons, au cœur des discussions générées par ce panorama du cinéma documentaire africain contemporain.

[1] Pour reprendre les mots d’Alberto Cavalcanti « Le plus important n’est pas de faire un film mais de faire un film qui donne naissance à d’autres films ».