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Chaque année Cinéma du réel s’interroge sur ce qu’il en est du documentaire, de ses formes, de ses évolutions et des manières de faire des cinéastes. C’est en cela un festival exploratoire, un chantier de recherche. Au-delà de l’exposition d’un cinéma documentaire contemporain mondial en plein essor, Cinéma du réel est une invitation à expérimenter le monde et le cinéma à travers une multiplicité de regards, une pluralité des pratiques documentaires et des visions plurielles sur le cinéma. Parce que le cinéma passe de l'esprit du réalisateur à l'esprit du spectateur, il est un art de la connivence, sinon la collusion, entre cinéaste et spectateur, qui ainsi fait l’expérience d’un autre imaginaire, d’un autre univers que le sien. Mais cette expérience qui est aussi celle de l’Autre ou plutôt de la distance qui me sépare de lui, a ceci de particulier en cinéma documentaire qu’elle nous rappelle aussi que nous habitons tous le même monde. Le cinéma documentaire nous donne notre réel à voir. Et c’est peut-être par des œuvres qui inquiètent, qui bousculent les imaginaires, qui confrontent à d’autres désirs, d’autres aspirations, d’autres rêves, qu’une discontinuité se produit dans ce déroulement implacable de la réalité. Cette discontinuité qui questionne, surprend, résiste, ravit, nous permet alors de ne pas être aveuglé et de voir notre contemporain. Ce à quoi nous convions le public de Cinéma du réel. Catherine Bizern Organisation Remerciements

Front(s) populaire(s)

Soustraits de l’espace public, plus rien ne semblait plus pouvoir nous arriver… plus de possibilité de trouver sa place, la défendre, la revendiquer. La valeur de ce que Henri Lefebvre, philosophe appelait le «droit à la ville» dans les années 60, nous sautait aux yeux. Notre intériorité, nos désirs et nos manques ont besoin de s’affirmer dans une extériorité : pas un hasard si le premier lieu des revendications est la rue ; pas un hasard si celle-ci est rendue de plus en plus difficile d’accès par les pouvoirs en place : sa conquête est toujours le début d’une victoire pour le droit à être nous mêmes, à nous changer nous-mêmes, notre société et son territoire.
Les films que nous avons choisis font le récit de cette appropriation des lieux par les citoyens, une prise de pouvoir sur ce qui devient l’espace de lutte, mais aussi le lieu de l’affirmation de soi en tant que groupe et en tant qu’individu. Notre programmation démarre par la commémoration des événements de Gênes il y a 20 ans. L’activisme des personnes trans dans la révolution féministe, la réquisition de terres au Brésil et l’occupation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, l’expression des Gilets jaunes et la mise en œuvre d’une mairie sans maire, sont autant de surgissements au grand jour de la possibilité d’un nouveau monde, d’une nouvelle atmosphère.
Ces films font le récit d’engagements politiques qui passent par un engagement concret dans un ici et maintenant et la confrontation physique à la matière du monde (1), localement.

Catherine Bizern

1. Cf. Barbara Stiegler, Du cap aux grèves, Editions Verdier, 2020.