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Avant que le ciel n’apparaisse

Denis Gheerbrant
2021 France 85 min

Une horde de chevaux à moitié sauvages, des historiens qui chantent des chants de la guerre coloniale contre l’Empire russe, des jeunes qui dansent sur la place publique, des villageois qui se bricolent leur musée : tout un peuple qui se souvient dans une petite république du Caucase. Et tout au long, le peintre Rouslan Tsrimov nous guide dans la manière de vivre et la forme de pensée des Nartes, ancêtres mythiques, telles que la rapporte leur épopée.

Rouslan Tsrimov peint, et écrit, pour donner à voir quelque chose dans la nuit. Cette nuit, c’est celle qui est tombée sur le peuple tcherkesse au mitan du dix-neuvième siècle, quand l’armée impériale russe a fini par faire capituler ce peuple de guerriers du Caucase Nord, qui fut l’un des derniers à résister à la guerre coloniale. La torche qui met un peu de lumière dans la peinture et dans les mots, c’est le mythe ancien qui, sous forme d’épopée, donna à ce peuple son imaginaire, son identité, sa morale. Cette épopée des Nartes, « noyau de la manière de vivre » des Tcherkesses, il s’agit pour Rouslan Tsrimov et quelques autres de la faire survivre par les moyens de l’interprétation : dans le geste du peintre, il y a la pointe extrême d’un mouvement impulsé par le récit des origines, la preuve durement gagnée d’une continuité possible à travers le néant des guerres et de l’extermination. La mise en œuvre modeste et limpide du film de Denis Gheerbrant, qui, avec Lina Tsrimova (la fille de Rouslan, poursuivant elle-même des recherches sur la guerre du Caucase), recueille sobrement les récits, est une sagesse symétrique à celle de ces gardiens de la mémoire. C’est cette continuité, redevable au travail de Rouslan et des autres, qu’il s’agit d’observer dans la parole et dans les paysages immémoriaux où elle est recueillie, comme dans les pages d’un livre qui, lentement déplié, forme l’image poignante du fil fragile par lequel la mémoire se maintient.

Jérôme Momcilovic

Lire l’entretien avec le réalisateur sur le blog Mediapart de Cinéma du réel

Denis Gheerbrant

Après des études de réalisation et prises de vues à l’Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques, Denis Gheerbrant se consacre, jusque dans les années 90, à la photographie documentaire et à l’image de films de fiction comme de documentaires. Parallèlement il réalise ses premiers films. Il a réalisé entre autres Et la vie (1991), La vie est immense est pleine de dangers (1994), APRÈS, un voyage dans le Rwanda (2004), La République Marseille (2009), On a grèvé (2014).

Production :
Les Films d’Ici (Richard Copans), Mal’famés films (Walid Bekhti)
Idée originale :
Frédérique Longuet-Marx
Scénario :
Lina Tsrimova et Denis Gheerbrant
Image, montage :
Denis Gheerbrant
Son :
Bashir Khatsouk, Dominique Vieillard

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