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Ivre de soule

Skander Mestiri
2021 France 29 min

L’an 2020 est une année difficile pour l’«U.S.D.B.», le club de rugby amateur qui représente Dieulefit, petite ville du sud de la France. Les matchs perdus s’accumulent et la dégringolade dans le classement régional leur pend au nez. Un match décisif est prévu pour bientôt. Il se jouera à domicile, à Dieulefit. L’enjeu est alors décuplé : sauver l’honneur du club, rendre fier le public, la famille et les copains; défendre sa propre terre.

Avec son sens du détail et son approche défamiliarisante, Skander Mestiri aurait pu contribuer à l’étude de jeux sérieux réalisée par Matjaž Ivanišin dans son film Playing Men. Ici aussi, l’enjeu semble de taille. « C’est plus que de l’amour », dit l’un des joueurs. Les visages et les mains que le jeune cinéaste caresse avec l’œil de sa caméra DV structurent le réseau d’affects qui soutient l’USDB, une équipe de rugby drômoise. En s’infiltrant au sein de ce groupe, il sonde ce qui le soude. Il y a la proximité des corps qui se côtoient, s’attrapent et s’enlacent. Les voix qui forment des unissons précaires pour donner forme à des chants paillards ou ancestraux. Les fluides qui les baignent : la douche qui décolle la boue, la bière qui rafraîchit les gorges échauffées. Plutôt que de vouloir faire mentir les clichés, Skander Mestiri s’y confronte de plein fouet pour saisir leur fondement. Interrogés, certains joueurs évoquent les rôles bien définis qui régissent l’harmonie du groupe. Le cinéaste, lui aussi, joue le sien, et c’est en affirmant sa propre fonction qu’il trouve une place parmi ces hommes. Autant qu’il épouse la fièvre du jeu, Ivre de soule sait s’en distancer pour mieux lui donner forme, imposer son rythme, reconstruire un espace, et déplacer le drame qui se joue à chaque match. La musique médiévalo-synthétique de Gonfano achève de déplacer le sport vers un territoire étrange, loin de tout lyrisme héroïsant : l’enjeu de la victoire ou de la défaite semble avoir pour seule fonction de donner au groupe un but qui en favorisera la cohésion.

Olivia Cooper-Hadjian

Skander Mestiri

Né en 1996 aux Lilas (Seine-Saint-Denis), Skander Mestiri réalise ses premiers films en 2018 durant ses études artistiques. Après s’être entièrement consacré aux techniques du dessin et de la gravure, il entame, en plein milieu de son cursus, un travail de photographie qui lui inspire aussitôt des envies de réalisations, entre fiction et documentaire.

Production, image, son, montage :
Skander Mestiri

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