Chaque mur est une porte
Puisant dans les VHS des émissions de sa mère à la télévision nationale bulgare, la réalisatrice livre une chronique à la fois pop et profonde de la révolution – peut-être trop – douce de 1989.
« Quand j’avais 7 ans, ma mère avait le don d’ubiquité. Une fois par mois, elle se dédoublait… » La voix off du souvenir d’enfance inscrit dans un écrin féerique l’émission Version M, qu’animait la mère de la cinéaste à la télévision bulgare. En puisant dans sa collection familiale de VHS, Elitza Gueorguieva documente de manière ludique et touchante la « transition démocratique » de la Bulgarie de 1989 à 1991, avant un retour au pouvoir des communistes. Penseurs, hippies, étudiants et poètes commentent et chantent les bouleversements politiques (« Je ne suis pas communiste » ou « Comment va-t-on atteindre les Américains ? », ravissantes rengaines pop). L’atmosphère parfois kitsch de l’émission contraste avec la profondeur des considérations politico-philosophiques. Dans un numéro intitulé L’Espoir, la mère lit des questions de Max Frisch : « Aucune révolution n’a satisfait pleinement les attentes de ceux qui l’ont initiée. En déduisez-vous que la grande révolution est inutile ? En fin de compte, quels espoirs sont les plus importants, les accomplis ou les déçus ? » Tressage plein d’humour entre l’intime et l’historique, l’enfance et la désillusion d’une renaissance démocratique, Chaque mur est une porte s’offre pour finir en réécriture d’Alice au pays des merveilles : la mère, qui se promène, toute petite, devant un tas de Lego tandis qu’une main géante construit et détruit un mur, devient dans le finale à la fois l’héroïne carrollienne d’une révolution ratée et la figure de sa propre fille, initiée à l’Histoire bulgare par la lucarne. (Charlotte Garson)
Eugénie Michel-Villette
Mélanie Braux
Xavier Damon