EN RACHÂCHANT
L’enfant Ernesto ne veut apprendre que ce qu’il sait déjà. “Comment apprendre ce qu’il ne sait pas déjà ?” demande le maître. “En rachâchant”, répond l’enfant.
Lors d’un entretien (1), Jean-Marie Straub explique qu’En rachâchant est “un film d’entomologiste”. Ernesto est “un insecte comme un autre, et les insectes, c’est très important”. L’étude de cas consiste en une double expérience : celle d’Ernesto qui se débat avec les adultes mais également celle, littérale, de sa mise en boîte. Voilà donc un qui film qui invente sa langue (cf. le titre) à travers une mise en scène brechtienne, une narration poétique et une parole performative. L’utilisation d’un grand angle colle l’œil-caméra contre les murs. Cet enfermement se révèle proprement et éminemment cinématographique mais également politique. “Qu’est-ce que tu vois ?”, interroge à plusieurs reprises l’instituteur inquisiteur et fossoyeur du sens. La réponse de l’enfant est une promesse à la Prévert, un coup de dé, une ode aux significations indirectes et déliées. (Savoir) voir, voilà un beau programme, seulement cela ne peut se faire qu’en dehors de la boîte, en rachâchant.
Donald James (Bref, décembre 2016)
1. Rencontres avec Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, éditions Limelight, 1995.
Raymond Gérard, Olivier Straub, Nadette Thinus
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Diagonale, INA - Institut National de l'Audiovisuel
Henri Alekan
Louis Hochet, Manfred Blank
Danièle Huillet, Jean-Marie Straub
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