Killing Time – Entre deux fronts
« Tu te souviens de moi ? » demande un jeune père à son enfant en bas âge, posé dans ses bras à son atterrissage. La base militaire de Twentynine Palms, dans le désert californien du Mojave, accueille les Marines de retour d’Irak et d’Afghanistan. Si dans Of Men and War, Laurent Bécue-Renard explorait la psyché abîmée des soldats et leur chemin thérapeutique sur plusieurs années, Killling Time s’intéresse avec un prosaïsme assumé aux temps morts passés dans les fast foods ou les magasins. Parfois précédée d’un passage par Vegas («Beer and pussy? –Yeah, in that order!»), cette «glande» dans la ville de garnison affiche la banalité comme garantie de bonne santé mentale. Sans commentaire ni entretiens, Lydie Wisshaupt-Claudel parvient à montrer que ce grégarisme ancré dans la vie militaire entre cependant en tension avec une solitude abyssale. D’où des trouées dans le tissu du quotidien, telle cette discussion entre le choix de se laisser pousser une barbe ou un bouc : « Mon père a promis de ne plus se couper les cheveux à son retour du Vietnam »… Se faire raser la tête, se faire tatouer la devise de son régiment : autant de passe-temps qui, dans une ville conçue comme un entre-deux entre les vies civile et militaire, ont soudain la force performative du rite. Absents en actes mais omniprésents dans les esprits, les combats ont laissé une béance vertigineuse. (Charlotte Garson)
Méline Van Aelbrouck
Félix Blume
Colin Lévêque
Cellulo Prod / Les Productions du Verger / Arte France / CBA - Centre de l’Audiovisuel à Bruxelles
Lydie Wisshaupt-Claudel