L. COHEN
À gauche, un jerrican jaune et deux pneus posés contre trois barils rouillés. À droite, une moissonneuse abandonnée dans une portion de paille non fauchée. Derrière, un talus, où s’alignent des poteaux électriques, masque un parking dont seuls dépassent les toits de quelques véhicules. Des corbeaux croassent dans un ciel d’été voilé au centre duquel, un mirage peut-être, apparaissent des cimes enneigées. Ceux qui connaissent l’œuvre de James Benning devinent combien de présences discrètes recèle ce paysage désertique d’Oregon. Ceux qui y entreront pour la première fois comprendront d’eux-mêmes que le cinéma peut trouver sa pleine puissance, comme Benning l’enseigne et le pratique inlassablement, simplement « by looking and listening », en regardant et en écoutant. En vérité, l’initié n’a aucun avantage sur le débutant, mis à égalité par le seul exercice d’une connaissance intuitive héritée de Thoreau et de Bergson, où l’agencement secret des phénomènes se révèle dans les conditions d’une attention soutenue dans la durée, où le paysage est fonction du temps – géologique, historique et biographique, chaque nouveau film venant faire jouer des références internes à l’œuvre entière. Il n’est ainsi pas inutile de savoir que le titre du film rappelle les derniers mots d’une chanson fameuse utilisée dans la bande-son de One Way Boogie Woogie (1977/2005/2012) : « sincerely, L. Cohen ». (Antoine Thirion)
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