La Guerre est proche
On entend les voitures, les cigales. On croit aussi entendre le vent, car on voit de grandes éoliennes tourner, comme si le moindre élément naturel était utilisable, maîtrisable dans ce paysage harmonieux marqué par la main de l’homme. Peu à peu, dans cette campagne méridionale d’aujourd’hui, La Guerre est proche va inscrire les stigmates de l’Histoire. En mettant en tension le paysage qu’elle filme et les paroles souvent off – textes ou témoignages -, Claire Angelini fait l’archéologie de ce lieu qui nous a d’abord paru banal, anodin. Le camp de Rivesaltes, ouvert en 1938 et fermé en 2007, a un lourd passif dont le film fait l’archéologie, en quatre parties : l’architecte, l’Espagnol, la Harki, la militante. En travaillant très précisément la durée de ses plans, le processus de remémoration et la disjonction entre ce qui est dit et montré, la cinéaste réinscrit de la temporalité dans ce qui semble aujourd’hui matière inerte, entrelacs insensé de gravats, de tuiles et de fil de fer. Dans un passionnant traité de la corrosion entendu sur les images du squelette d’un bâtiment, l’architecte décrit la destruction lente mais certaine qui, une fois la première goutte de pluie insinuée dans une toiture, attend inexorablement tout bâtiment abandonné. Les éoliennes du début avaient donc valeur de programme, rendant visible le vent, pas si maîtrisable après tout. Et de fait, la ruine était dans les gênes de l’édifice : pourquoi un lieu utilisé tout au long du vingtième siècle pour enfermer les populations ne connaîtrait-il pas enfin lui-même un destin tragique ? (Charlotte Garson)
Claire Angelini
Claire Angelini
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Boris Lehman; Antonio Cascarossa; Marianne Bensalem; Nicole Mathieu
Claire Angelini