Le Marcheur
Silhouette trouble aux contours indéfinis, le marcheur se perd au fond de l’image. Mais la route l’a à peine absorbé que déjà un autre marcheur, scarabée ou fourmi, s’empresse de traverser la voie dans une indifférence absolue au supposé axe de la vérité. Le marcheur est un être double. Si marcher libère l’esprit, les pas s’empressent de le peupler de paysages, de sensations, de souvenirs, de visages, de Jean Rouch à Henri Langlois, du Ladakh au Kenya. Le présent s’efface pas à pas tandis que le passé afflue. Marcher ce n’est pas seulement franchir de longues distances, c’est aussi faire des haltes où l’infini côtoie le plus intime, où l’universel est suspendu à l’assise d’un pied, au nœud d’un lacet. En mettant de la distance entre soi et le monde, la marche curieusement abolit les distances, elle fusionne les continents et les cultures, lie les expériences que le monde sépare, le pur et l’impur, le corps et le divin, le solaire et l’enracinement. Le marcheur ne va pas d’un lieu à un autre, il traverse. Son monde est un monde d’à-plats, sans profondeur : un sentier où des traces s’empilent sur d’autres traces, l’ombre de jambes arpentant le sol, la masse compacte d’une montagne embrumée, les compositions abstraites de la mer jouant avec le sable et la lumière, un écran de cinéma, une ombre se dissipant dans la nuit noire. (Yann Lardeau)
Jean-Noël Cristiani; Yumi Productions; P.o.m. Films
Anita Perez
Jean-Noël Cristiani
P.o.m. Films