Aller au contenu

Le Point Aveugle

Sophie Roger
2012 France 28 min

Dans l’espace clos d’un jardin normand, on observe de très près un monde végétal et animal. Les gestes de la cinéaste-jardinière sont précis : elle plante et déplace les végétaux, égraine, protège. Elle soigne aussi régulièrement son œil malade. Le territoire quotidien devient un jardin hanté : par un ailleurs (Le Chili) et un passé (la dictature) qui insistent, une atmosphère de catastrophe rodant autour, insinuant son inquiétude dans l’intime le plus apparemment protégé. Gestes de soin, aux plantes et à soi, pour panser des plaies qui restent mystérieuses, que l’on devine partagée avec l’autre, l’amie qui passe comme un fantôme, le temps d’un double portrait. On ne saura rien de l’origine du désir mais il sera présent dans les fleurs de courge et de gunnera, de rose et d’artichaut. Le Point Aveugle renoue avec les questionnements des Jardiniers du Petit Paris. En resserrant le point de vue : il s’agit de son jardin, de ses plantes et de sa maison, filmés comme le lieu intime d’où une pensée du monde est possible. Par des choix de filmage simples mais très précis, elle pousse la DV dans ses retranchements, au plus près de la matière des plantes, des textures filmées avec une rare sensualité, une rare qualité de présence, de proximité. Le jardin quotidien devient un jardin hanté : par un ailleurs (Le Chili) et un passé (la dictature) qui insistent, une atmosphère de catastrophe rodant autour, insinuant son inquiétude dans l’intime le plus apparemment protégé. Gestes de soin, aux plantes et à soi, pour panser des plaies qui restent mystérieuses, que l’on devine partagée avec l’autre, l’amie qui passe comme un fantôme, le temps d’un double portrait. Être seul, être deux. Solitude habitée, compagnonnage tendu entre ici et ailleurs. Méditation solitaire à la recherche du point aveugle d’une vie, pour tenter d’approcher cet invisible. Ce cinéma libre, qui se donne son propre langage, pour murmurer ensemble l’intime et le monde, nous semble des plus précieux, des plus novateurs.

Cyril Neyrat

Sophie Roger

L’œuvre de Sophie Roger s’ancre dans son territoire le plus familier au nord de son Havre natal où elle vit et travaille à la campagne, à Bénouville. Depuis ce territoire intime, ses films ne cessent d’interroger l’ailleurs et sa relation à l’autre, amis, voisins ou peuples lointains.

Production :
Independencia Production
Image, son, montage :
Sophie Roger

Dans la même section