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Édition 2021

Cinéaste en son jardin

Cultiver : faire venir et laisser croître. 

Si le paysan est celui qui cultive, il en est de même de l’artiste. Et plutôt que d’opposer le travail de la terre et la pensée intellectuelle et créatrice comme dans une certaine tradition occidentale, les considérer comme des extensions l’une de l’autre, les deux extrémités d’un même univers que certains cinéastes ont choisis de tenir rapprochés, contre, tout contre l’un et l’autre. Et ainsi d’envisager son être au monde d’une manière alternative sans doute, de chérir des connections entre les forces qui opèrent le paysage et le travail de création, et en dédiant sa vie au jardin et au cinéma, non pas exercer deux métiers mais s’occuper à vivre, à être vivant.
Il n’est pas anodin que dans les films de ces cinéastes, Rose Lowder, Sophie Roger, Robert Huot, ou encore Hilal Baydarov, on retrouve une interdisciplinarité commune aux travaux des champs et au jardinage, autant de poésie, de performance et de répétition qui construisent une autre temporalité du regard, un mode sensible étroitement lié au monde alentour.
En choisissant la campagne comme lieu de vie et de cinéma, ces cinéastes font de leur cadre quotidien l’atelier où exercer leur art, le jardin de leurs pensées, de leurs préoccupations, de leur joie ou de leur difficulté à vivre, et le terreau de leur rapport à l’autre et de leur compréhension du monde. Il semble que leur regard, lorsqu’il s’attache aux arbres, fleurs et animaux, sonde leur être profond et qu’ils fabriquent ainsi quelque chose de l’ordre de l’autoportrait. 

Catherine Bizern

Lire Le Land Cinema comme certificat de vie de Becca Voelcker

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