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Santiago

João Moreira Salles
2006 Brésil 80 minutes portugais

Film en noir et blanc, huis clos à  l’échelle de cadre quasi-constante entre le plan moyen et le plan américain, long soliloque, Santiago est une œuvre insolite où la réalité en se dérobant ne cesse de hanter le cadre, le lieu obscur d’un drame que personne ne soupçonnait, à  commencer par le réalisateur. Au départ, il y a la volonté de João Salles de fixer sur la pellicule les souvenirs du maître d’hôtel de sa famille qui le fascinait quand il était enfant, par sa culture, ses talents de danseur et de chanteur. Il filme Santiago chez lui, et le film reste inachevé. C’était en 1992. Santiago meurt et João Salles décide de reprendre le film : c’est alors que celui-ci se met à  vivre et à  raconter une histoire différente de celle qu’avait imaginée son auteur. Le film se venge, le valet demande des comptes au maître, le filmé au filmeur, le mort au vivant. On ne filme pas impunément. Santiago n’est plus l’enchanteur d’hier, c’est un fantôme qui exige réparation et qui traque le cinéaste, jusqu’à  ce qu’il reconnaisse, l’une après l?autre, ses erreurs. L’ombre pose devant sa machine à  écrire, devant un meuble où sont entassés les tomes de sa grande œuvre, une encyclopédie de toutes les dates, tous les personnages, toutes les œuvres qui comptent dans l’histoire de l’humanité. João Salles retrouve alors les récits qui le charmaient dans son enfance, les noms qui le faisaient rêver, et un temps, lui et Santiago s’échappent du petit appartement pour un monde de chromos peuplés d’allégories et de muses, qui culmine avec un extrait en couleurs de Tous en scène de Vincente Minnelli. Ce temps ne dure pas. L’ombre reproche au réalisateur de filmer le Santiago qu’il voyait enfant et non le Santiago réel qu’il a devant lui, de poursuivre une image là  où il y a un être de chair : « Il y a quelque chose que je ne t’ai pas dit ? » Le réalisateur l’interrompt. Santiago s’achève par le rétablissement de ce moment fatal de la coupe, la reconnaissance du déni sur lequel le film s’est construit. Ce n’est plus Santiago qui est alors au centre de l’image, mais le réalisateur. (Yann Lardeau)

Production :
Videofilmes
Distribution :
Videofilmes
Montage :
Eduardo Escorel; Livia Serpa
Son :
Jorge Saldanha
Photo :
Walter Carvalho

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