The Raw and the Cooked

Sur la côte orientale de Taïwan, après une averse nocturne, une famille aborigène d’Amis part à la chasse aux escargots armée de lampes frontales. De retour chez eux, tandis qu’ils les préparent, les membres de la famille transmettent leur langue menacée de disparition à la génération suivante et partagent des histoires de fantômes.

Sur la côte taïwanaise, dans une nuit humide et profonde éclairée par des lumières de téléphones instables et quelques lampes frontales, une famille chasse des escargots noirs et des escargots blancs. La caméra traque avec vivacité les chasseurs qui s’enfoncent dans l’obscurité à la recherche des lents gastéropodes. Les escargots fusent, se balancent et tombent dans les seaux. Tournée en 16 mm par une caméra aussi alerte que les chasseurs, la partie de chasse est filmée par apparitions, par impressions. Les cinéastes jouent sur des changements d’échelle allant du traqueur au traqué. L’humidité des hautes herbes se mêle aux baveuses trainées des proies lentes, incapables de lutter. Escargots blancs, escargots noirs, on apprend que les noirs auraient moins bon goût. Une étonnante discrimination balancée depuis la maison de famille d’où des discussions éparses nous arrivent après la traque. Les conversations se prolongent dans la cuisine, en regardant les bêtes bouillir, suer, passer du cru au cuit. La caméra au-dessus de la marmite, plongée dans la fumée, vient observer la fin de courses des prises. Se dresse par les discussions un nouveau portrait, on apprend que la famille qui chassait est une famille aborigène de Taiwan. Alors la communauté se raconte. D’autres discriminations, d’autres traces surgissent. Puis viennent les histoires d’apparitions, de fantômes et de croyances portées par les plus vieux. Des disparitions d’hommes et de femmes mais aussi de leurs traditions. 

Clémence Arrivé

Lire l’entretien avec Lisa Marie Malloy et Dennis Zhou