UN CAFÉ ALLONGÉ À DORMIR DEBOUT
À l’hiver 2019, pour surmonter ma douleur paternelle, j’ai filmé l’hospitalisation contrainte de mon fils Nathan, au seuil de son incertaine entrée dans l’âge adulte.
On pourrait (il faudrait, même) se dispenser d’explication, saisir simplement le conseil amical donné par un premier carton : « Tendez l’oreille. » Écouter, donc, et regarder : la respiration profonde et calme d’un fils, très grand fils, qui dort ; la main qui caresse doucement sa nuque et qui est celle du père, derrière la caméra. Hors film, Philippe De Jonckheere explique que ce fils, Nathan, est atteint d’une forme singulière de handicap mental, aggravée par l’entrée dans l’âge adulte : c’est à ce moment-là qu’il le filme, pour partie à l’hôpital où on a dû provisoirement le placer, pour l’autre au grand air dans un doux paysage de lac et de forêt. Le film fait le portrait de leur relation, mais se garde bien de raconter quelque chose, d’autant plus que père et fils ne sont guère bavards. Et la fluidité paisible de son déroulement ferait presque oublier que sous ses airs de journal visuel, Un café allongé… relève davantage d’une science du collage (les séquences hospitalières traversées d’envoûtants arrangements de bruit), d’où procèdent des sensations sans mots, un peu hagardes, et rien moins que larmoyantes. Dans les Cévennes où se clôt le film, celles-ci cheminent vers un apaisement dont les bienfaits soulageront ensemble le fils, le père, et le spectateur, sous le patronage double de Fernand Deligny et d’un rayon de soleil venu prendre doucement, sur la nuque de Nathan, le relai de la main paternelle.
Jérôme Momcilovic
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