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Al Dajaj

Omar Amiralay
1977 Syrie 40 minutes Arabe

«L’Etat syrien encourage les habitants d’un village pilote, Sadad, à  délaisser leurs activités traditionnelles pour se lancer résolument dans l’élevage de poules et la production d’œufs. Cet élevage devient monstrueux puis connaît une récession. Le film se clôt sur un plan de paysans devant un immense poulailler vide. Ce qui fait des Poules un très bon film, confirmant la stature de cinéaste d’Amiralay, c’est qu’il se lit, comme on dit, « littéralement et dans tous les sens». Le film n’est ni une énigme subversive ni un film à  clés (manières naïves de ruser avec la censure) mais une imbrication extrêmement savante de plusieurs niveaux de lecture, tous évidents. C’est l’excès de lisibilité, le trop de sens, qui finit par troubler, comme chez ces cinéastes – Ferreri, Buñuel – auxquels on ne peut s’empêcher de penser. D’un côté, le film est un «vrai» documentaire qui relate avec sérieux (chiffres, interviews à  l’appui) quelque chose qui a vraiment lieu. De l’autre, le film prend parti (et le public, qui ne s’y trompe pas, rit de bon cœur), non seulement par le choix du grand angle, mais aussi parce que cet élevage de poules, devenu tératologique et infilmable, se dénonce de lui-même. Comme toujours la ruse se nourrit de la prise à  la lettre de la commande. Par ailleurs, le film a une dimension mythique évidente. Mythe du passage de l’humain à  l’animal, mythe du passage du quantitatif au qualitatif. A quel moment la multiplication des poules, au lieu de se muer en signe de succès, provoque-t-elle le malaise, ou le rire ? Ce qui permet l’imbrication des trois lectures (la documentaire, la satirique et la mythique), c’est le temps très paradoxal du film, le temps truqué de l’exposition des faits. Quelque chose entre le plus-que- parfait et le futur antérieur, une oscillation entre le sentiment d’être mis devant des faits déjà  accomplis et celui d’assister à  un délire à  venir. L’illusion du présent cède la place à  un temps logique où hommes et poules ont formé/formeraient un improbable rhizome.» Serge Daney, Les Journées de Damas, Cahiers du Cinéma, n° 290-291, 1978 «Les interventions idéologiques dans le film se sont effectuées au niveau du choix des objectifs et des angles de prise de vue, du bruitage et de la musique ; J’ai voulu absolument les plans des paysans situés dans les deux premiers volets (agriculture/artisanat), c’était des plans très calmes. Dès qu’on passe au troisième volet (les poules) j’ai changé d’objectif, au double sens du terme, et j’ai utilisé le grand angle. Sur le plan de l’image donc, j’ai anamorphosé le sujet… J’ai filmé à  cinq centimètres de mes interviewés. » Entretien avec Omar Amiralay, Cahiers du Cinéma, n° 90-291, 1978

Omar Amiralay

Né à Damas en 1944, décédé à Damas en 2011.
De 1965 à 1970, formation dans le théâtre et le cinéma à Paris. De 1970 à 1980, il réalise en Syrie un Film-essai sur l’Euphrate, La vie quotidienne dans un village syrien, Les poules, A propos d’une révolution. Depuis 1981, il tourne pour les chaînes de télévision françaises les films suivants : Le malheur des uns…, Benazir Bhutto La Sept, Un parfum de paradis, Le sarcophage de l’amour,Vidéo sur sable, L’ennemi intime, La dame de Shibam (TF1), A l’attention de Madame le Premier Ministre (TF1 – La Sept). Il retourne par la suite travailler en Syrie.

Production :
Télévision Syrienne
Montage :
Antoinette Azarié
Photo :
Hazem Baya'a

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