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EL CHINERO, UN CERRO FANTASMA

Bani Khoshnoudi
2023 France, Mexique 11 min Langues : anglais, espagnol

El Chinero se situe dans le désert de la Basse-Californie au Mexique. Malgré son nom, il n’y a aucune trace du drame qui y eut lieu en 1916. Des centaines de migrants chinois sont morts en fuyant la violence du pays. Comment combler le vide avec des images, construire une archive là où il n’en existe pas ?


De la mort, vers 1916, d’environ soixante-dix exilés chinois et asiatiques sur un vaste terrain escarpé entre la baie de San Felipe et la ville de Mexicali, conséquence d’une probable tentative de fuir les campagnes racistes visant à les éliminer du territoire mexicain, il ne reste presque rien, aucun registre officiel, aucune plaque commémorative, aucun chantier archéologique. Rien sinon le nom donné depuis au mont qui surplombe ce désert : El Chinero. En l’absence de documents et dans l’attente d’un travail scientifique qui mette au jour l’histoire du racisme couverte par une identité nationale pourtant construite à l’effigie du mestizo, l’artiste et cinéaste iranienne Bani Khoshnoudi invente un début d’archive, prolongement fragile et inchoatif de l’esprit du lieu, à partir du peu que l’on puisse savoir : légende, histoire orale, présences fantomatiques, traces ambiguës. Tout en fixant l’aura du lieu, la pellicule, développée au moyen d’éléments organiques et inorganiques prélevés sur place, en transporte également jusqu’à nous la lumière et la matière. L’un des cartons de ce film en noir et blanc muet, accompagné d’une bande-son à la guitare électrique d’Andy Moor évoquant un western spectral, demande si la terre et les roches peuvent témoigner. La montagne peut-elle parler pour les morts ? Une pensée analogique peut-elle porter jusqu’à nous la voix des fantômes ? Et par extension, ce film peut-il témoigner pour d’autres tragédies, remuer la terre des fosses communes qui, partout dans le monde, ne s’ouvriront qu’avec la chute des mythes nationalistes et des régimes totalitaires ?

Antoine Thirion

Lire aussi l’entretien avec Bani Khoshnoudi


Bani Khoshnoudi

Bani Khoshnoudi, d’origine iranienne, est née à Téhéran puis immigre aux États-Unis pendant la révolution iranienne de 1979. Elle fait des études d’architecture, de photographie et de cinéma à l’Université de Texas à Austin puis à l’Independent Study Program du Whitney Museum of American Art à New York. Ses œuvres hantées par le déracinement explorent les thèmes de l’exil, la modernité et ses violences, la mémoire et l’invisible. Ses films (documentaires et fictions), photographies et installations, sont montrés dans des festivals, des musées et des centres d’art du monde entier. En 2022 elle a reçu le Herb Alpert Award in the Arts dans la catégorie Film/Vidéo.

Production :
Pensée Sauvage Films (Bani Khoshnoudi)
Image :
Bani Khoshnoudi
Montage :
Bani Khoshnoudi
Musique :
Andy Moor
Contact copie :
Pensée Sauvage Films - bani@penseesauvagefilms.com

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