Et le bal continue
« Comment estimez-vous la situation économique des six derniers mois ? » ; « Faites-vous confiance aux politiciens ? » : les questions que pose aux passants Alina Azarova, « sociologue » de son état, ont le don de les irriter tant l’évidence saute aux yeux : « Le peuple se meurt », comme le résume un interviewé, qui s’entend répondre : « Merci et bonne journée ! ». En véritable Chronique d’un été de l’Est des années 2010, Et le bal continue s’enquiert du bonheur de chacun, ou plutôt du malheur de tous. Après un prologue à la Lubitsch où les millionnaires valsent dans les petits fours, Balabanov propose une vue en coupe de la société bulgare aussi inquiétante qu’humoristique, Mitteleuropa en diable. De l’haltérophile devenu député nationaliste au chanteur vedette gay et rom, les portraits sont ici croisés avec élégance, mais leur variété souligne un profond malaise économique, politique et même spirituel. Comme le dit un vieux militant, « la situation exige une révolution »… Qui ne vient pas : depuis l’ère soviétique, les étiquettes ont changé mais pas les rapports de domination. Le face à face d’un dissident avec le policier qui l’a persécuté contribue à un finale troublant et poignant : ces adversaires de vingt ans – « l’espion » d’État et le prisonnier politique – incarnent à eux deux, avec leurs divergences oubliées et leur amitié absurde, la désorientation profonde du vingt-septième membre de l’UE. (Charlotte Garson)
Vesselka Kyriakova
Ivailo Yanev; Vesselin Zografov
Stefan Ivanov
Ladybird Films / Audiovideo Orpheus
Ladybird Films