Le Dictionnaire selon Marcus
Le dictionnaire selon Marcus a d’abord des allures de code pénal : « Recel », « Vol », « Recel de criminel »… le pedigree de Marcus défile sur sa nuque en bande continue avec la conversion des délits en amendes et peines de prison. En face de lui, une baie vitrée, les toits de Liège, un champ immense, lumineux, mais muré. « Vol », « recel », usage de faux », ces mots appartiennent à la justice et ils n’aiment pas Marcus, ils empêchent de le voir. Ce ne sont pas ses mots à lui, les mots qu’il aime, ceux de son dictionnaire qu’il apprend par cœur en prévision de sa prochaine incarcération. « Souffrance », solidarité » « liberté », « confiance », toute une chaîne symbolique, envers de la litanie de la justice, sans laquelle la vie ne vaudrait pas d’être vécue, un code de l’honneur qui permet à Marcus de se raconter, face à la caméra, sans détours, de l’orphelinat à la prison. Marcus a un défaut, il ne peut pas s’empêcher de voler au secours des prisonniers en cavale, des délinquants en mauvaise passe. Question d’éthique, question de regard. Là où la société stigmatise le crime, Marcus, lui, ne voit que la souffrance. Dans cette révolte sans nom, qui, parfois, a des accents burlesques, les mots sont essentiels. Ils construisent, sous le film, un deuxième film où en s’attachant à décrire le plus justement ses souvenirs, Marcus les fixe simultanément en des images d’une grande densité. Un seul mot ne figure pas dans le dictionnaire de Marcus — trop grand pour que celui-ci puisse le contenir : « É-va-si-on ». (Yann Lardeau)
Dérives
Mary Jimenez
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