Los Herederos
L’écran est noir. Au son une berceuse. Puis vient l’image : des enfants courant dans la forêt, passant un guet… Une image ambiguë : est-ce encore un jeu ou juste une bande d’enfants rentrant chez eux après le travail ? Car dans tout le reste du film, hormis la dernière séquence qui montre une danse rituelle de masques, il ne sera question que d’enfants au travail. Où qu’on soit : à Guerrero, Nayarit, Oaxaca, Sinaloa, Puebla, Veracruz… Partout la scène est la même : des enfants qui emboîtent le pas aux adultes pour faucher le maïs, conduire le bétail au pré, récolter les poivrons, les tomates, les haricots dans les grandes plantations, porter le bois, tailler des figurines en bois pour le tourisme, semer, tisser avec la mère… Entre les adultes et les enfants, pas de différence, la charge de travail est la même. Quand Eugenio Polgovsky associe des adultes à des enfants, il ne reconstitue pas l’image d’une famille, il montre à tous les degrés de la vie un même asservissement au travail, à la lutte contre la faim et la misère, une destinée immuable. La petite fille aux genoux écorchés et la grand-mère brisée en deux qui moulent côte à côte des tortillas ne sont pas deux personnes distinctes, c’est la même personne à deux âges différents de son existence. Seul le moule a changé. La jolie berceuse du début résonne alors différemment : on comprend alors pourquoi cette mère ne tient pas à ce que son enfant se réveille. Ce serait sortir aussitôt de l’enfance. (Yann Lardeau)
Telecote Films
Trigon Film
Eugenio Polgovsky
Camille Tauss
Eugenio Polgovsky
Telecote Films