Revolutsioon, mida polnud
Revolutsioon, mida polnud tient de la poupée russe. Son contenu ne cesse de se ramifier. Avec ses poings tendus à la croisée du salut hitlérien et du poing levé des communistes, son mixte de drapeau nazi et de drapeau rouge, ses slogans exaltant la mort et la révolution, ses bustes de Lénine, son gourou, Edward Lemonov, et sa diva, Natasha Chernova, le Parti National Bolchevique (PNB) est incontestablement le personnage central du film d’Aljona Polunina. Si les militants du PNB y répètent Octobre d’Eisenstein comme le Petit Soldat de Jean-Luc Godard jouait à la guerre, le film nous présente simultanément le double visage de l’opposition dans la Russie de Poutine, d’un côté, « L’Autre Russie », un stupéfiant attelage de forces contradictoires (Kasparov, Kassianov et Lemonov) qui ne peut que verser, de l’autre le gant de fer de la répression. Un complot révolutionnaire, ombre inversée de celui du pouvoir, des trains disparaissant, corps et âmes, dans la nuit, un cercle de policiers se refermant sur des manifestants isolés, la structure de Revolutsioon, mida polnud est proche de Ice de Robert Kramer. Un miroir de guingois dans une sacristie diffracte cette scène politique dans l’opposition de deux destinées, celle d’un père et de son fils, militants du PNB, l’un, brisé par la police, cherchant le salut en Dieu, l’autre aguerri par la prison. Flanqués de leurs doubles (un pope ex-membre du PCUS, et un jeune cadre du PNB, inquiet du silence du croiseur Aurore), ces deux figures dostoïevskiennes égarées dans le XXIe siècle substituent à l’enjeu politique immédiat, une question plus radicale : celle de l’identité russe aujourd’hui. (Yann Lardeau)
Matila Röhr Productions; Kuukulgur Films
Aljona Polunina
Kyösti Väntänen
Dmitry Rakov
Kuukulgur Films