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Taming the Garden

Salome Jashi
2021 Suisse, Allemagne, Géorgie 92 min

Un homme puissant – et anonyme – cultive un étrange passe-temps. Il achète des arbres centenaires, dont certains ont la hauteur d’un immeuble de 15 étages, à des communautés vivant sur la côte géorgienne, puis les déracine pour en faire une collection dans son jardin privé. Pour transplanter des arbres d’une telle dimension, le paysage qui les entoure est bouleversé ; les personnes qui vivent autour sont forcées de s’adapter à ces perturbations.

Sublime et terrifiant spectacle que nous donne à voir le film de Salomé Jashi. Des arbres majestueux sont arrachés à leurs terres et leurs villages pour rejoindre le jardin privé d’un riche propriétaire au-delà de la mer Noire. Pour les arracher du sol, des hommes et des pelleteuses retournent la terre jour et nuit. Les habitants des villages de la côte géorgienne regardent désarmés migrer les arbres parfois plantés par leurs aïeuls et sous lesquels ils ont grandi. Ces rois déracinés disparaissent dans la nuit, parfois suivis de lentes processions. Pèse une culpabilité sourde, la profanation d’arracher des âmes aussi pures. D’autres arbres s’effondrent sur leur passage et dégagent la route de leur exil. Ils meurent pour un seul homme. La communauté se divise mais, sur le chemin des grands arbres, les routes ne sont pas en bon état, le travail se fait rare et le patrimoine immatériel et irremplaçable des villages se troque contre de l’argent facile. Certains font résistance, mais comment faire face à l’opulent ? La violence des chutes, le bruit des tronçonneuses grondent et la beauté du jardin finalisé n’apaisera pas les amputations, et semble contenir toute la vanité du monde. Chaque arbre déterré est un coup de couteau dans le cœur. Les arbres centenaires traversent l’eau pour rejoindre le royaume amer. Sacrés, ils semblent marcher sur l’eau, qui n’en finit plus de porter des histoires de déracinements. Le trajet pourtant absurde de ces arbres flottants semble presque probable dans ce monde d’exilés où tout s’achète. Ici, on emporte les histoires et la sève d’une culture.

Clémence Arrivé

Lire l’entretien avec la réalisatrice sur le blog Mediapart de Cinéma du réel

Salome Jashi

Salome Jashi est née en Géorgie. Elle a fait des études à l’Université de Tbilissi, qu’elle a complétées par une formation de documentariste à l’Université de Londres (Royal Holloway). Elle est actuellement journaliste.Elle a réalisé :

Resistance for Existence, 12 min, 2006

One of Me, 8 min, 2006

Production :
Mira Film, CORSO Film, Sakdoc Film
Image :
Goga Devdariani, Salomé Jashi
Son :
Philippe Ciompi
Montage :
Chris Wright
Supervision musicale :
Celia Stroom

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