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Tellurian Drama

Riar Rizaldi
2020 Indonésie 26 min

5 mai 1923. Le gouvernement des Indes orientales néerlandaises célèbre la création d’une nouvelle station de radio dans le Java occidental, appelée Radio Malabar. En mars 2020, une collectivité locale indonésienne projette de rouvrir la station en tant que site historique et attraction touristique. Le film imagine ce qui a pu se passer entretemps : le rôle crucial de la montagne dans l’histoire du pays, l’utilisation des ruines coloniales dans des techniques de géo-ingénierie, ainsi que la puissance invisible des racines indigènes.

On distingue de vieilles pierres à travers les feuilles luisantes d’une jungle d’Indonésie. Les ruines ne signalent pas l’existence de quelque temple indigène, mais d’un bâtiment de l’époque coloniale : la station de Radio de Malabar, qui s’adossa jadis au relief des montagnes environnantes pour jeter dans les airs des ondes à destination des Pays-Bas. Figurée par des schémas et photos d’époque, la station se présente comme l’incarnation d’une promesse vite devenue obsolète. À l’image, le film confronte les plans du projet et son actuelle désaffection – comme si le présent n’était qu’un point de jonction entre son anticipation et sa disparition. Par le texte et le son, Riar Rizaldi pose d’autres pierres qui construisent un édifice baroque, où se rencontrent différentes approches du réel : les thèses fantaisistes d’un article de 1986 croisent la réalité des stratégies de développement de l’Indonésie actuelle. Quelque chose de la temporalité paradoxale du post-colonialisme se raconte ici : les chantiers arrivent trop tôt ou trop tard, parce qu’ils ne sont pas organiquement liés à la terre sur laquelle ils s’échafaudent – il est dit ici que c’est la construction de la station qui imposa le temps mécanique, divisé en heures et en minutes, à ceux qui vivaient ici au rythme des astres. Au fil des mots qui apparaissent à l’image sous une forme instable, ondulatoire, le film charge progressivement le paysage des idéologies qui l’ont façonné. L’air de musique hybride placé en conclusion résonne alors dans un paysage moins paisible qu’il n’en a l’air.

Olivia Cooper-Hadjian

Riar Rizaldi

Riar Rizaldi est un artiste plasticien et cinéaste né en Indonésie et vivant actuellement à Hong Kong. Il s’intéresse principalement à la relation entre capital et technologie, à l’extractivisme et à la fiction théorique. Ses œuvres ont été projetées dans divers pays, notamment au Festival du Film de Locarno, au BFI Southbank de Londres, au Festival international du film de Rotterdam, au Times Museum de Canton, à l’Asian Film Archive de Singapour, au NTT InterCommunication Center de Tokyo et à la National Gallery d’Indonésie.
© Kay Beadman

Production :
Riar Rizaldi
Image :
Natasha Tontey, Adythia Utama
Montage :
Riar Rizaldi
Sound Design :
Riar Rizaldi
Musique originale :
Nursalim Yadi Anugerah

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