Aller au contenu

Agrilogistics

Gerard Ortín Castellví
2022 Espagne, Royaume-Uni 21 min

Dans la journée, la serre est un véritable outil cinématographique, un décor de film automatisé, optimisé pour la production en série de fruits et de fleurs. La nuit, l’usine s’arrête : entre intérieur et extérieur, la serre devient un espace onirique où plantes, animaux et machines s’enchevêtrent.

Le tapis roulant, l’espacement parfaitement régulier des choses qui y défilent, le chuintement métallique qui berce leur passage, tout cela commande à l’intuition de reconnaître ici une scène industrielle. Les plans suivants, d’ailleurs, avec leur symétrie colorée propice à l’hypnose, ramènent à l’esprit les images d’un beau film qu’avait consacré Alain Resnais à l’industrie du plastique il y a plus de soixante ans – Le Chant du styrène. Deux éléments détonnent : sur le tapis, les choses sont des bulbes ; tout autour, des caméras veillent, aidées dans les coins par de larges réflecteurs qu’on verrait plus à leur place dans un studio de cinéma. On est en vérité dans la zone de triage d’une serre industrielle, aux Pays-Bas. Les caméras et les ordinateurs qui les prolongent sont là pour garantir la bonne marche agro-industrielle des choses : que chaque bulbe de fleur, chaque tomate, ait la dimension et la forme requises par les standards. L’homme ici a disparu (comme chez Resnais, n’en subsistent que des mains gantées d’ouvriers pour seconder les robots), et la nature elle-même semble un lointain souvenir. Pourtant, la nuit venue, comme en cachette ou par un rêve malicieux, la voilà qui revient et fait son nid sous les charpentes de métal, indifférente aux bras hydrauliques qui continuent leur travail, eux-mêmes impassibles mais ressemblant soudain à une forme de vie parallèle dans une étonnante fantaisie de science-fiction.

Jérôme Momcilovic


Lire l’entretien avec Gerard Ortín Castellví

Gerard Ortín Castellví

Né en 1988 à Barcelone, Gerard Ortín Castellví est un artiste et cinéaste vivant à Londres. Sa production artistique aborde la problématique des représentations contemporaines de la nature ainsi que les relations que celles-ci entretiennent avec la technologie, dans le cadre d’une recherche cinématographique expérimentale fondée sur la pratique. Il a récemment présenté son travail au LUX (Londres) à la Fundació Joan Miró (Barcelone) et au Centre Pompidou. Ses œuvres ont été projetées dans diverses institutions, telles que l’Anthology Film Archives de New York, la Zumzeig Cinecooperativa de Barcelone, ou encore Numax (Saint-Jacques de Compostelle). Son film Reserve a reçu une mention spéciale à Cinéma du réel en 2020.

Production :
La Capella, BCN Producció
Image :
Gerard Ortín Castellví
Son :
Oriol Campi Solé
Montage :
Maddi Barber, Mirari Echávarri, Gerard Ortín Castellví
Contact copie :
gerard.ortin@gmail.com

Dans la même section