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Carlo Giuliani, ragazzo

Francesca Comencini
2002 Italie 61 min

Le 20 juillet 2001, à Gênes, des milliers de manifestants défilent à l’occasion d’un sommet du G8. Carlo Giuliani, militant pacifiste italien de 23 ans, y trouve la mort. Le témoignage de la mère du jeune homme apporte un contrepoint aux images de la manifestation et un éclairage différent sur les événements.

Elle, c’est la mère de Carlo, incroyablement déterminée à comprendre, à savoir. Pour cela, une autre femme est là avec une caméra, patiente elle aussi, qui l’aide une heure durant à reconstituer cet après-midi d’été, ces heures que Carlo aurait tout aussi bien pu passer al mare. De ce recul, de cet entêtement sourd naît le pli infime qui nous fait passer du « sujet » de reportage au film de cinéma, ancrant cette émotion contenue au plus profond de nous et faisant du corps souffrant de Carlo, de sa parole, l’incarnation de notre misère commune. Un rien, une rue choisie au hasard, une rencontre inattendue dans ces escaliers qu’il connaît par cœur, et s’inscrit tout le décalage entre la candeur de cette jeunesse terriblement généreuse, offerte, vive, et la surpuissance glacée, anonyme et brutale de la machine policière lancée contre elle. Deux mondes se font face, absolument étanches l’un à l’autre, répétant les figures fatiguées de la lutte en un jeu d’images symboliques pleines d’espoirs bariolés (du vert des Greenpeace au noir des Black Block). On danse, on hurle, on brise les idoles, en rangs épars vers la Zona Rossa du sommet. Mais d’un coup l’ennemi change les règles et les caméscopes se grippent. Oui, des revolvers sont sortis d’on ne sait où ; oui, le Defender des carabiniers a roulé par deux fois sur Carlo blessé ; oui, des mensonges solidaires se sont brodés aussitôt… Et balayant toute innocence, le tragique nous rappelle à l’ordre de notre impuissance centrale. Tout semble perdu. Mais le film est là, en forme de constat, de refus aussi ; sans colère théâtrale, images à l’appui, irrigué de la colère irrémédiable, marmoréenne de la signora Giulani. Francesca Comencini tisse sans relâche son faisceau de preuves. Les deux femmes ne croient sans doute plus à un changement à vue du monde, mais elles savent que le seul fait d’y avoir cru encore, le temps d’une journée ensoleillée, ne méritait pas la mort.

Vincent Dieutre (lacid.org)

Séance présentée par Alice Leroy, en présence de Francesca Comencini

Francesca Comencini

Francesca Comencini a fait des études de philosophie. Elle a collaboré avec son père Luigi au scénario d’Un enfant de Calabre (1987) et réalisé son premier long métrage, Pianoforte, en 1984 qui fut suivi de La Lumière du lac (1989) et de Annabelle partagée (1991). Elle réalise un portrait d’Elsa Morante (1995) pour la série « Un siècle d’écrivains ». Parmi ses autres films de fiction : Le parole di mio padre (2001), Mi piace lavorare (2004, J’aime travailler), Lo spazio bianco (2009), Un giorno speciale (2012, Une journée à Rome), Amori che non sanno stare al mondo (2017). Également remarquée pour ses documentaires, Carlo Giuliani, ragazzo (2002), In fabbrica (2007), elle coréalise en 2014 la série Gomorra.

Production :
Mauro Berardi, Luna Rossa Cinematografica
Image :
Mario Balsamo, Gianfranco Fiore, Massimiliano Franceschini, Paolo Pietrangeli, Pasquale Scimecat, Daniele Segre, Carola Spadoni, Fulvio Wetzl, Gianni Angeloni, Luca Bigazzi, Giuseppe Larrucia, Giuliano Ravera, Michelangelo Ricci, Vicenzo Rizzo et Sergio Sche.
Son :
Federico Ricci
Montage :
Linda Taylor
Contact copie :
celine.paini@lesfilmsdici.fr

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