Voir ce que devient l’ombre
De juillet 2008 à août 2009, Matthieu Chatellier a tourné régulièrement chez le dessinateur et écrivain Fred Deux et sa compagne la graveuse Cécile Reims. Comment filmer un couple d’artistes alors que, rappelle Reims, « on est toujours seul avec la création » ? Comment éviter que la caméra embaume l’œuvre en l’encadrant ? Partant de l’accrochage d’une exposition à la Halle Saint-Pierre, le film pénètre ensuite dans la demeure pour ne plus la quitter. Une conversation intime, concentrée mais discrète, s’instaure dans chacun des deux ateliers. Jamais dessins ou gravures ne sont présentés au banc-titre, plein cadre. Certains sont sortis, rangés ou feuilletés, d’autres naissent devant la caméra. Fred Deux : « Pour le moment la tache est passive. Mais arrive un moment où elle devient active ». Mais le film dépasse le double portrait d’artistes, quelle qu’en soit la beauté. Car de spectateur, le cinéaste devient confident – de la douleur encore vive des blessures de la Deuxième Guerre mondiale, que Deux et Reims ont vécu différemment, et de l’autre « ombre » en devenir : « la dernière ligne du parcours » (l’expression de Reims emprunte encore au vocabulaire de son art). Car Voir ce que devient l’ombre relate aussi une dépossession volontaire. Les époux organisant, boîte par boîte, le départ de leurs archives dans un institut d’archives. Cet allégement appelé de leurs vœux ne va pas sans une certaine gravité. Matthieu Chatellier la capte avec une infinie délicatesse. (Charlotte Garson)
Moviala Films / Tarmak Films; L'image d'après
Frédéric Fichefet; Daniela De Felice
Romain Leconte
Matthieu Chatellier
Alter Ego Production